À chaque entrevue, je me demande quel type de personne je vais rencontrer. À chaque fois, j’essaie de m’imaginer sa personnalité et à chaque fois, je suis agréablement surprise. C’est fou comme j’apprends de ces rencontres. Il y a quelques semaines, j’ai eu le mandat de rencontrer Marie-Pier St-Hilaire, présidente d’AFI Expertise, pour le magazine 16.08.

Entrepreneure en série depuis ses 22 ans et leader de l’Effet A, Marie-Pier St-Hilaire est tout sauf ordinaire. Fonceuse et porteuse de valeurs familiales et communautaires fortes, cette jeune femme d’affaires de Québec spécialisée dans le leadership peut vous déconcerter en quelques secondes par sa spontanéité et son rire contagieux.

Voici les questions que je lui ai posées.

Marie-Pier, ton entreprise est spécialisée dans le leadership. Selon toi, est-ce qu’on naît leader ou on le devient?

Personnellement, je pense qu’on naît leader. Je ne devrais pas dire ça, car mon entreprise vise à développer le leadership. Mais je ne pense pas qu’on puisse apprendre à quelqu’un à avoir l’aura des grands leaders de ce monde, comme Steve Jobs. Par contre, on peut apprendre à quelqu’un à améliorer son leadership et à développer ses habiletés politiques et de négociation. Pour moi, les grands leaders sont humbles, modestes et travaillent en équipe. Ils rassemblent les gens.

Selon toi, qu’est-ce qui mène le monde?

Le sexe! [dit-elle en riant]. Oui, je crois qu’en ce moment, ce qui mène le monde, c’est l’argent, le sexe et le pouvoir, ce qui me fait un peu capoter. Et quand je parle du sexe, je ne parle pas de la pornographie, mais de tout ce qui est « plaisir ».

J’ai étudié à Harvard avec une centaine d’hommes et visité 40 pays différents (8 femmes sur 149 finissants du Owner/President Management Program de la Harvard Business School de Boston) et 80% avaient des maîtresses et des plaisirs à côté, comme un dessert.

Pour beaucoup d’hommes de pouvoir, c’est un besoin d’être aimé, admiré et d’avoir un certain contrôle sur la femme.

Comment on se sent au sein d’un groupe d’hommes de pouvoir (comme les finissants de Harvard)?

Il y a des étapes. Au départ, j’avais peur. J’étais la plus jeune (29 ans) de la cohorte et la seule blonde aux yeux bleus. C’était vraiment « Barbie is coming ». J’étais tellement mal à l’aise que je suis allée voir la directrice générale, une grande femme nommée Jackie, pour lui demander pourquoi ils m’avaient acceptée. Elle m’a répondu que ce lieu m’appartenait et même plus qu’aux autres, car au contraire de mes confrères issus de familles très riches, moi j’avais construit une entreprise.

Je ne me suis pas imposée aux hommes, mais j’étais toujours très allumée et présente. Ils ont reconnu rapidement mon intelligence d’affaires et ont commencé à m’inclure dans leurs activités en se disant qu’une femme occidentale en affaires, c’est comme un homme, mais avec une féminité qui les attire. J’ai donc eu beaucoup d’appuis et j’ai été très encouragée par eux. En voyageant et en fréquentant des hommes d’affaires d’autres pays, je me suis vraiment rendu compte de la différence entre la femme occidentale et la réalité des femmes dans leur pays. Par exemple, dans certains pays, quand les femmes se retirent le soir, une femme occidentale a le droit de rester. Je pouvais donc voir la vie des femmes de ces pays, mais aussi celle des hommes. Mais ce n’est pas facile et ça fucke un peu. Je me suis posé beaucoup de questions sur les valeurs humaines...mais quand je reviens au Québec, je me dis « ayoye, on est bien au Québec! »

Quelles sont tes valeurs?

L’authenticité, le respect et la loyauté envers mes gens et ma famille sont [des valeurs] super importantes. Les valeurs humaines, rassembler les gens autour de moi ou essayer de faire un monde meilleur avec eux est important pour moi.

En vieillissant, qu’est-ce qui reste? Il reste les gens et les connexions qu’on a développées avec eux. Ce n’est pas l’argent ou le pouvoir qui reste. Pour moi, mes entreprises sont une façon d’atteindre mes objectifs de connexion et de communauté. Mon entreprise, c’est comme une famille.

Parlons de l’Effet A : quels sont tes objectifs dans cette aventure?

J’aime beaucoup le plan de transformation proposé par l’Effet A et c’est en ligne directe avec mon expertise en leadership. Mais pour moi, c’était très important d’inclure les hommes dans ce projet et de pouvoir les éduquer sur la réalité de la femme.

Mon but comme leader, c’est de brasser un peu les filles, parce que je trouve que dans la trentaine, les filles ont beaucoup de pouvoir, mais qu’elles vivent un creux. Elles commencent à se poser des questions et sont souvent moins bien accompagnées que les hommes. Elles sont moins boys club. Je vois l’Effet A comme un réseau de contacts qui va aider à propulser les filles et les sortir de leur zone de confort.

Je parle beaucoup de la peur, parce que la peur est un moteur incroyable pour vous amener à un autre niveau. Si vous n’avez pas peur, c’est que vous ne sortez pas de vos baskets. Il y a un processus après la peur et quand on passe à travers ce processus, on se rend compte qu’il y a quelque chose de vraiment sharp après. Tu peux ensuite traverser de plus grandes peurs qui t’amènent à faire de plus grandes choses. Je veux aider les filles à réaliser qu’elles sont plus fortes, qu’elles ont plus d’influence qu’elles ne le pensent et que oui, elles peuvent avoir une famille et une carrière en même temps.

C’est ça mon objectif avec les filles. 

 

Comment on gère les doutes liés au monde des affaires et à la vie en général?

Avec une bouteille de vin dans un spa!? [dit-elle en riant.]

Avant Havard, je ne gérais pas bien les doutes; c’était dramatique et la bouteille de vin dans le spa n’est pas une blague! Mais maintenant, j’utilise beaucoup le sport, le yoga et la méditation dans ma routine de vie pour dissocier l’émotion associée au doute, sans pour autant ne rien ressentir. Nous sommes ce que l’on pense. Plus on donne du pouvoir à notre pensée et plus cette pensée devient une réalité qui souvent n’existe pas. Mais oui, on a le droit d’avoir des émotions, car il ne faut pas se déconnecter par rapport à ce qu’on ressent et à son intuition. J’ai beaucoup travaillé sur moi pour mieux gérer mes émotions et mes doutes tout en ne perdant pas mon intuition. J’ai tout essayé pour connecter ma tête et mon cœur : la méditation, les pranayamas, les demi-marathons, les voyages et la PCI (psychothérapie corporelle intégrée) et maintenant, je gère beaucoup mieux.

Par rapport au développement personnel de l’entrepreneur, as-tu des conseils ou des lectures à recommander?

Il faut connecter des multitudes de petites choses qui vont allumer des lumières. Chaque personne a des besoins différents. Moi, je suis allée me nourrir auprès d’une communauté, la YPO (Young President Organisation), entre autres, en qui je pouvais avoir confiance et auprès de qui je pouvais évoluer. Et je me suis trouvé des outils de développement personnel et professionnel sur divers sujets comme la négociation, l’innovation et le yoga, des tests psychométriques (comme Pathfinder) et des livres.

L’auteur et homme d’affaires Robert Kaplan m’inspire beaucoup. Quand il a quitté Goldman Sachs, il est devenu professeur de leadership à Harvard. Ses livres ont carrément changé ma vie et m’ont aidée à mieux me connaître et à mieux comprendre mon potentiel.

Les voyages (pas les voyages tout inclus!) qui nous sortent de notre zone de confort nous permettent aussi de mieux comprendre comment on vit et on agit ailleurs.

Tout ça m’a amenée à 20% de ce que je veux et peux devenir. Je ne connais pas la finalité, par contre! Ce que je sais, c’est que je veux essayer d’être heureuse et de ne jamais m’éteindre. Je veux aussi qu’on dise de moi plus tard « elle m’a aidé, elle a changé quelque chose dans ma vie. »

Que dirais-tu aux jeunes femmes d’aujourd’hui?

Je n’irais pas dans le « lâchez pas les filles! » Plutôt, je leur dirais d’arrêter de vouloir entrer dans des moules de société et d’accepter simplement qui elles sont et de travailler sur leurs talents, leurs forces et leurs faiblesses. Avec ça, elles peuvent faire n’importe quoi, tant que c’est en lien avec qui elles sont vraiment. 

Révision: Magazine 1608

Je suis co-fondatrice d'Atelier Ëdele, une entreprise de literies en coton biologique pour les enfants avec une forte philosophie d'engagement social. Je contribue également depuis peu au club des petits déjeuners comme co-organisatrice d'un événement d'envergure. Au sein de la communauté Femmes Alpha, je joue le rôle d'éditrice en chef et idéatrice. Ayant déjà fait quelques changements de carrières, passant de pilote d'avion à analyste politique à entrepreneure, je peux affirmer être une femme guidée par ses passions profondes et qui aime l'aventure! Comme vous, je désire laisser une empreinte positive dans la société et inspirer d'autres femmes à suivre cette voie. Ah et je suis également mère!

 

joelle@femmesalpha.com

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