Joanie Lacroix est la fondatrice et entrepreneure sociale de la plateforme Pastel Fluo. Productrice dans l’univers de la publicité et de la télévision pendant plus de 10 ans, une grande épreuve bouleversa sa vie en 2015 (le décès de son fils Thomas), ce qui a fait renaître en elle le désir d’éveiller les consciences et d’inspirer l’être humain.
Peux-tu m’expliquer en quoi consiste l’art de vivre avec conscience?
L’art de vivre avec conscience, pour moi, se définit sur 3 aspects : conscience de soi, conscience de l’autre et conscience de notre planète. La conscience de soi est liée à se connaître, à prendre un peu de hauteur et se regarder. Est-ce que je suis sur un chemin qui me convient? Est-ce que ma vie est alignée avec ce que je désire profondément, avec mes valeurs. Qu’est-ce qui me donne envie de me lever le matin? Qu’est-ce qui me fait vibrer au point que même avec 10 millions de dollars dans mon compte, je ferais la même chose? Pour moi, c’est important de s’arrêter, assez souvent, pour faire le point. Faire le point sur nos choix. Est-ce qu’ils me procure une liberté intérieure, un sentiment d’expansion et d’élévation ou au contraire, je sens que ces choix m'alourdissent. Dans ce cas, de regarder ce qui me tient en place. Quelles sont mes peurs et comment puis-je les surmonter. Est-ce que j’ai des croyances qui me limitent, des croyances que je n’ai plus envie de porter. La conscience de soi, c’est infini.. ;) C’est pourquoi Pastel Fluo est très lié au développement humain et à la spiritualité, car pour moi, c’est de retrouver un sens à notre existence, à notre raison d’être sur cette terre. Je porte la croyance très profonde que nous avons tous notre couleur, notre unicité. Personne n’a le même package d’intérêts, de connaissances, de forces, d’expériences de vie, d’épreuves, de rêves, que nous. Ensuite c’est de regarder tout ça et de se dire : “Qu’est-ce que je fais de tout ça? Comment puis-je enrichir ce monde à partir de qui je suis, venir y déposer ma lumière? Pour moi, c’est la base de Pastel Fluo. C’est entre autre pourquoi le nom est lié aux couleurs ;-) La conscience de soi, c’est de suivre son flow. De ne pas forcer si on ne le sent pas. D’avoir le regard tourné vers l’intérieur. De suivre notre intuition, cette petite voix qui nous dicte souvent la direction à prendre. Et pour terminer, la conscience de soi, pour moi, c’est aussi de ralentir la cadence. De prendre du temps pour soi. Pour se faire du bien… C’est particulier comme parfois, à aller si vite, on oublie l’essentiel..
Ensuite, il y a la conscience de l’autre. Nous sommes dans un moment de transition. On peut bien le ressentir maintenant. La tendance à l’individualisme qui primait pendant de nombreuses années est en train de laisser sa place à une transition humaniste. Plus ça va, plus le “nous” prime sur le “je”. On prend ce qu’on a besoin, et le reste, on partage. C’est une vision d’abondance pour tous. Et je le vois autant dans la vie personnelle qu’en affaires. C’est d’ailleurs le sujet principal de ma 2e saison, de démontrer cette nouvelle vision dans le monde des affaires. Je suis une entrepreneure sociale, c’est à dire que j’utilise mon entreprise “Pastel Fluo Productions - Communiquer pour Transformer” avec l’intention de contribuer positivement à la société et à la planète. Toute ma stratégie d’affaires est dans le but de créer un impact positif. Et la game est en train de changer, où de plus en plus d’entreprises sociales comme la mienne partage les surplus, afin de créer de la valeur sur la communauté, sur leurs employés, sur l’environnement. La croissance de la certification B-CORP est un bel exemple. On est plus dans un mindset de “contribuer” à partir de nos forces, de nos expertises que de “travailler”. Et ça, c’est vraiment motivant. Naturellement, le profit est important, sinon l’entreprise s’éteint et aucun impact ne sera possible. Mais on est dans une transition vraiment intéressante. Je divague un peu du sujet, mais la conscience de l’autre, pour moi, c’est ce partage. Et quand on donne, on reçoit. Souvent bien plus qu’on peut l’imaginer! Mais tout part de l’intention.
Et le 3e volet de la conscience, c’est de faire attention à notre planète, car la santé des humains est intimement lié à la santé de la planète. Et ça, c’est de revoir notre consommation, de minimiser nos déchets, de contribuer à des causes qui créent de l’impact sur l’environnement. De consommer moins, de consommer mieux. D’acheter des entreprises B-CORP ou qui travaillent dans une conscience environnementale.
L’art de vivre avec conscience, pour moi, c’est de se reconnecter à soi, aux autres et à la nature. C’est de s’inspirer de la nature, où la diversité de chaque plante enrichit le système. C’est de faire émerger une nouvelle vision du monde, où le pouvoir n’est pas concentré dans quelques mains, mais où tout est relié, interdépendant. Où chaque être humain est plus libre, plus autonome. Un peu comme une cellule de notre corps qui doit être en bonne santé pour que le corps entier puisse fonctionner. Et pour être en bonne santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle, on dépend aussi des autres.
Décris-moi ton parcours, tes réussites, tes échecs, des anecdotes
Après un an et demi à faire le tour du monde avec mon sac à dos, j’ai décidé de faire mon bac en business à Concordia. Comme la vidéo m’a toujours intéressé, j’ai de façon naturelle plongé dans l’univers télévisuel. J’ai été productrice pendant une dizaine d’années en publicité et en télé. J’aimais beaucoup mon métier, et je me sentais privilégiée, mais en même temps, je ressentais aussi un certain vide intérieur à travailler autant d’heures, à vivre autant de stress sans que mon travail ne fasse de réelle différence dans la vie des gens. En même temps, je te dirais que tout allait tellement vite à ce moment de ma vie que ce ressenti m’habitait, mais il a fallu qu’une épreuve vienne complètement tout chambouler pour que je m’arrête pour vrai, et que je me pose les questions. Cette épreuve, c’est le décès de mon fils Thomas. En l’espace de quelques heures, son état s’est aggravé rapidement et on s’est retrouvé à l’accompagner aux soins palliatifs… Ce moment là, tout s’est arrêté. J’ai eu une grosse “crise de sens”. Les semaines qui ont suivi sont départ, 2 états m’habitaient : la douleur immense lié à la perte de mon enfant, et parallèlement, cohabitait aussi cette grande envie de faire ma part pour contribuer à un monde meilleur. C’était devenu crucial pour moi. Ce fut un grand moment de clarté et c’est alors qu’a germé l’idée de mettre mes années d’expérience dans l’univers de la production au service d’un projet qui allait faire du bien. Au service d’un projet riche de sens. À travers mon deuil, j’ai fait un des plus grands apprentissages de ma vie : il y a toujours des cadeaux cachés derrière les épreuves, quelles qu’elles soient. Lorsqu’on l’accepte notre épreuve et qu’on réussit à s’élever au-dessus de la douleur qu’elle entraîne. Entre ces moments de douleur, il y a de grandes prises de conscience… Enfin, pour moi. Et donc, j’ai rassemblé une équipe d’artisan du milieu talentueux, qui avaient aussi envie de contribuer à un projet d’impact et nous avons créé Pastel Fluo, une série documentaire mettant en lumière des gens qui nous amènent à vivre avec plus de conscience. Des gens inspirant qui osent vivre et penser autrement. Des acteurs de changement qui proposent de nouveaux modèles de pensée dans le monde de la santé, de l’agriculture, du travail, de l’économie et de la consommation. Nous avons actuellement 4 documentaires en ligne, 4 en montage et une saison 3 en développement. Pastel Fluo rassemble maintenant une vingtaine de collaborateurs et nous offrons maintenant des retraites, des événements, des conférences et des ateliers en entreprise. Parallèlement, j’ai aussi fondé ma propre boîte de productions, Pastel Fluo Productions, qui est une entreprise sociale, où je propose aux entreprises de valoriser leur marque à travers du contenu d’impact. Je crois que pour arriver à un changement en profondeur, ce doit être individuel, et collectif. Nous individuellement on doit contribuer à transformer les choses, mais les gouvernements et les entreprises doivent aussi revoir leurs priorités et remettre l’humain et la planète au coeur de leur préoccupations. À travers Pastel Fluo Productions, je crée du contenu “d’impact”, où je mets en lumière les initiatives sociales, humaines et environnementales des entreprises. La mission de mon entreprise est de communiquer pour transformer les choses. À travers ces vidéos, je démontre que les entreprises peuvent accélérer le changement que l’on veut voir dans le monde. On redonne aussi une partie de nos revenus à la plateforme Pastel Fluo afin de produire des documentaires inspirants et indépendants et à des causes sociales/environnementales. Travailler de cette façon, c’est tellement motivant!
D’après toi, c’est quoi la clé du succès?
Une des grandes clés est de prendre nos décisions à partir de notre intuition. Je réalise que pendant trop longtemps, j’ai pris mes décisions de vie avec ma tête, et je crois que nous avons intérêt à rééquilibrer la place du coeur dans nos vie. Notre tête et notre pensée rationnelle est hyper importante. Elle nous permet de mettre en action, de planifier, d’organiser. Mais sa job n’est pas de prendre les décisions, car souvent la tête va faire remonter des peurs ou des croyances limitantes, qui vont venir brouiller la justesse de nos décisions. Le nombre de fois que je me suis dit “j’aurais dû me fier à mon instinct…”. Pour moi, la pleine conscience et la méditation m’aident énormément en affaires. Chaque décision, petite ou grande, je prend le temps de la descendre à un niveau plus profond, au niveau du coeur, et j’observe ce que ça crée à l’intérieur de moi. Si j’accepte tel projet, et que je ressens cette décision à l’intérieur de moi, au niveau du coeur, est-ce que ça m’élève, est-ce que je sens que c’est “juste” ou si on contraire, mon corps est dans un état de “contraction”. Notre corps est un grand maître et de prendre le temps de ressentir est une grande clé du succès. Ça permet de sauver du temps plutôt que de prendre une décision qui ne nous correspond pas
Et ma 2e clé, c’est de développer notre intelligence émotionnelle. Ça revient encore une fois à l’aptitude d’être conscient de soi, de se connaître, de se comprendre, de se respecter et de s’exprimer. L’intelligence émotionnelle nous amène à être conscient des autres et les “sizer”, même les plus silencieux. Ressentir dans quelle énergie ils sont, quand établir un rapport avec eux. L’intelligence émotionnelle et la méditation nous aide aussi à gérer nos émotions, à contrôler nos impulsions, à s’adapter au changement et à prendre de la hauteur lors de situations difficiles.
On parle de plus en plus de “leadership conscient”, on le voit actuellement c’est en plein essor, on parle de leadership & mindfulness, et pour moi on est rendu là dans le milieu des affaires. En plus, la technologie à travers l’intelligence artificielle nous pousse naturellement dans cette direction, car rapidement, les robots surpasseront tout ce qui est lié à la “connaissance”. Nous devrons donc inévitablement aller là où la technologie ne peut aller, et pour moi, c’est de développer nos qualités humaines et intuitives.
Crois-tu au destin ou penses-tu pouvoir contrôler ton destin?
Je pense que lorsqu’on a un rêve, on doit en premier l’imaginer, le rêver. Ensuite, on doit oser et on doit y mettre les efforts pour que ça arrive. Je crois que ce qui nous arrive dans notre vie est une co-création entre nous et une certaine intelligence divine. Cette énergie, certains l’appellent l’Univers, d’autres la Source, d’autres Dieu. Le nom importe peu, mais c’est cette idée que tout est énergie, et que notre vie devient ce que nous avons imaginé et cru. D’où l’importance de prendre conscience des pensées, des peurs et des croyances qui nous habitent, qui peuvent nous limiter ou nous propulser. Et pour se propulser, ça prend des racines solides, et des ailes.
Quels défis as-tu dû vivre durant ta vie en tant qu'entrepreneure ? Je suis une entrepreneure en quête d’équilibre, et je dirais que mon plus gros challenge est de trouver cet équilibre entre tous les projets qui bourgeonnent dans ma tête et mon désir de ralentir et de ne pas être étourdi par un mode de vie effréné. Pour moi, mes sacrifices sont liés à dire “non” à des projets qui me tiennent à coeur. Je suis une passionnée et ce n’est pas facile pour moi…
D’après toi, les amis jouent-ils un rôle vraiment important dans la vie de quelqu'un?
Oui, vraiment. Robert Waldinger révélait dans un TEDx son constat, suite à la plus grande recherche jamais faite en lien avec le bonheur. Le constat le plus important était lié aux relations humaines. En effet, l’expérience mené pendant 75 ans démontre que les individus les plus connectés à leur famille et leurs amis sont plus heureux et en meilleures santé. C’est bénéfique pour le corps, mais aussi pour le cerveau. Le facteur déterminant était la qualité des relations humaines et non la quantité. J’ai le privilège d’être tellement bien entourée, et c’est pour moi vraiment précieux.
Créer sa place, ça signifie quoi pour toi?
Comme je l’ai mentionné tantôt, je crois que nous avons tous notre couleur, notre unicité. Pour moi, créer sa place, c’est de reconnaître qui nous sommes, reconnaître notre essence profonde. Pendant longtemps je me disais “Il me semble que je ne suis pas exactement à la place où je dois être, que je ne suis pas venue sur la terre pour faire ça…”. On a tous une raison d’être différente et c’est justement grâce à cette diversité que nous enrichirons l’humanité. Créer sa place, pour moi, c’est surpasser ses peurs et oser constamment se propulser dans une direction que l’on sent “juste”. Oser faire briller notre lumière. Quand on se réaligne avec ce qui nous fait vibrer profondément, non seulement ça nous rend heureux, mais ça inspire aussi les autres à faire la même chose. Et lorsqu’on met nos talents au service de projets avec un but qui a du sens pour nous, pour les autres et pour la nature, un sentiment profond de bien-être nous habite, et ça, c’est la plus belle richesse à mes yeux