J’ai eu la chance de faire la connaissance d’Anne en mai dernier dans le cadre de la soirée Bourse Jeune Entreprise – concept directement inspiré de l’émission «Dans l’œil du dragon», à ICI Radio-Canada, où six jeunes entrepreneurs présentent devant public leur entreprise à trois «Dragons» dans le but de se mériter une bourse en biens et services – de la Jeune chambre de commerce de Québec.

Elle, Dragonne d’un soir, moi alors coordonnateur aux événements pour la JCCQ, j’ai immédiatement su que j’avais affaire à une Femme Alpha. C’est également à cet instant que j’ai décidé qu’Anne était le genre de personne que j’avais envie d’avoir dans mon entourage, voire comme amie.

C’est avec admiration et un brin de jalousie que j’ai choisi la charmante Anne Lemieux, Directrice de la Galerie Le Chien D’Or, pour cette première Intru’vue sur le blogue de Femmes Alpha.

Admiration, car, en plus d’avoir une attitude de feu, Anne est l’une des plus jeunes galeristes de la Vieille Capitale.

Jalousie, car c’est à 26 ans, a.k.a. l’âge que j’ai actuellement, qu’elle l’est devenue, il y a 4 ans.

C’est donc à la Galerie Le Chien D’Or, située sur la rue du Fort, en plein cœur du Vieux-Québec et à deux pas du Château Frontenac, que, par un beau samedi matin d’octobre, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Anne pour jaser de son parcours et de ce qui fait d’elle une Femme Alpha.

Il y a quatre ans presque jour pour jour, tu t'es portée acquérante de la plus vielle galerie d'art de Québec. Qu'est-ce qui a motivé ton choix?

Quand tu as un projet, que tu y penses trois semaines ou six mois, au final, tu dois prendre une décision. Dans mon cas, ça a été très rapide. J’ai mijoté ça pendant trois semaines jour et nuit. Je me suis dit que même si je continuais à y penser… J’en ai envie ou pas? Ça me tentait, alors je me suis lancée!

Comme le disait Brigitte Simard, de la firme Spencer Stuart, lors de sa conférence à la 4e édition de la journée de conférences Femmes Leaders organisée par Les Affaires, «si on vous offre un nouveau défi, c’est que vous êtes prêtes. Considérez-le.»    

Moi, on m’a offert de reprendre la Galerie Le Chien D’Or. C’est mon père [M. Jean Lemieux, de son nom d’artiste LEMIEU] qui, un dimanche matin, m’a informé que M. Jean-Claude Veilleux, le propriétaire à l’époque, désirait vendre, et qu’il avait pensé à moi pour assurer la relève. Trois semaines plus tard, je signais les papiers.

Avec le recul, je me dis que si on t’offre un projet, ça signifie qu’à quelque part, il y a une confiance certaine. Une confiance qui sera sans doute toujours là dans deux mois. Alors à quoi bon attendre pour se lancer?

Le sentiment de devenir LA plus jeune galeriste de Québec en acquérant LA plus vieille Galerie d'art de Québec a dû être assez particulier, non?

Il y a quelque chose d’indescriptible là-dedans! Un beau feeling! Mon premier commerce à vie, en plus.

Quand je suis arrivée pour la première fois ici avec ma clé, j’ai monté la rue Du Fort, et là j’ai vu le Château et j’ai eu le souffle coupé! MON commerce, ici, à côté de l’emblématique Château Frontenac, dans un quartier aussi riche en histoire!

Et tu sais quoi? Maintenant, je ne le vois même plus, le Château!

Il est important de souligner le fait que lorsque ton père t'a suggéré de prendre possession de la Galerie, tu étais établie à Montréal depuis un certain temps déjà.

Comme je disais il y a quatre ans, je me suis lancée en bungee, mais sans élastique! J'habitais en effet à Montréal, j'avais une bonne stabilité d'emploi au HEC, un condo, etc. J'ai tout laissé tomber pour ce nouveau défi! On me dit souvent que je suis audacieuse.

Je pense que nous sommes une génération où on veut que les choses bougent.

J’ai repris la Galerie dans un moment ou c’était plus creux, après la crise économique. On s’entend que l’art n’est pas quelque chose dont tu as «besoin», comme une pinte de lait, par exemple.

N’empêche, je l’ai reprise, rénovée, et je pense que j’en ai fait quelque chose de bien en lui donnant un second souffle!

Tu as fait du très bon travail, Anne! Mais à la base, tu devais avoir un certain intérêt pour l'art?

J’ai grandi dans le domaine grâce à mon père, qui lui a également grandi dans le domaine. À 9 ans, il fréquentait déjà l'École des Beaux-Arts de Québec.

L’histoire de la Galerie, dans mon cas, avec ma maîtrise en gestion, spécialité en tourisme, c’était vraiment une combinaison d’art et de gestion. Aujourd’hui, naturellement, j’ai plus d’expérience qu’il y a 4 ans. Mais, comme je l’ai souligné dans une autre entrevue, je ne me serais pas lancée dans un commerce d’électronique, par exemple; je n’ai aucune base.

Avec la Galerie, j’avais quelques bases, mais c’est sûr que tu apprends sur le terrain, tu rencontres des gens plus connaisseurs que toi, tu absorbes ce qu’ils ont à te partager. À mon avis, il faut savoir s’entourer de gens qui en connaissent plus que soi. Et même dans d’autres champs d’intérêt.

Au final, tu fais un amalgame de tout ça et tu puises ce dont tu as besoin pour avancer et pour évoluer.

Je m’éloigne un peu du sujet de ta question, mais bon!

Parle-moi un peu de ton côté gestionnaire, parle-moi d'Anne Lemieux, l'entrepreneure!

Je me dis que peu importe la personne que tu es. tu as une fibre entrepreneuriale en toi. Suffit que tu veuilles la développer.

Tu sais quoi, à 8 ans, j’avais monté mon «plan d’affaires» pour ouvrir ma garderie! Avec mes menus, mes activités, mes prix à la journée, etc.

On s’entend que quelque chose se tramait!

En 4e année du primaire, j’ai monté ma propre pièce de théâtre. J’avais rassemblé les élèves qui voulaient participer… ou qui ne voulaient pas aller à leurs cours! Des fois les pratiques étaient sur les heures de cours, alors…! J’avais rédigé les dialogues, mon père étant artiste avait conçu les décors, ma mère les costumes. Quand les parents appelaient pour que leurs enfants soient dans la troupe, ma mère me passait le téléphone «c’est Anne qui est en charge». J’avais 10 ans!

Ce sont là deux exemples qui montrent que j’avais un certain leadership en moi!

La Galerie, ça ne me surprend pas vraiment, quand on y repense. J’ai saisi l’opportunité!

Si je me relançais dans quelque chose, je ne suis pas certaine que je referais un transfert d’entreprise. Je pense que je partirais plutôt MA propre entreprise.

Mais, comme on dit, il faut laisser la porte ouverte; il n’y a pas de portes fermées.

Ce qui m'a impressionné en apprenant un peu plus sur toi pour cette Intru'vue, et ce qui me rend un peu jaloux, c'est que tu as acquis la Galerie à l'âge que j'ai actuellement, c'est-à-dire 26 ans!

Dans la vie, ce n’est pas une question d’âge. Tout dépend de la dynamique de la personne. Quand une opportunité se présente, il faut savoir la saisir et ne pas avoir de regret.

Ça fait très cliché, mais pour l’avoir vécu, je peux te dire que le cliché rattrape la réalité.

Il y a des gens qui sont bien dans leur emploi, dans leur sécurité financière, mais qui ne sont pas nécessairement heureux et qui n’attendent que leur retraite.

Tu sais, on n’a qu’une vie! Je donne l’exemple de mon père qui est décédé en 2011; crois-moi, ça te fait réfléchir quand il t’arrive ce genre de choses à un jeune âge.

Je ne serai probablement pas ici pendant 30 ans. Il y aura certainement des projets qui vont se présenter et qui vont me faire mûrir.

Chaque étape dans ta vie, chaque personne que tu rencontres, que ce soit en entrepreneuriat ou ailleurs, t’amène quelque part, même si tu ignores encore où.

Par exemple, on s’est rencontrés au printemps à un événement de la Jeune chambre, on s’est reparlés, tu es venu à mon événement en septembre dernier, et là tu m’interviewes pour le blogue de Femmes Alpha!

En effet! Parlant de Femmes Alpha, qu'est-ce qu'une Femme Alpha pour toi?

Je pense qu’une Femme Alpha est une leader qui sait non seulement bien s’entourer, mais qui sait également reconnaître les talents autour d’elle. Pour moi, l’écoute est très importante pour une leader.

Personnellement, je ne suis pas nécessairement quelqu’un qui va s’imposer, je vais beaucoup écouter.

Tu sais, ce n’est pas parce que tu parles plus fort que les autres que tu es un ou une meilleur(e) leader.

Reconnaître et féliciter les gens pour leurs bons coups, c’est pas mal mieux que d’essayer de les enterrer pour établir ton autorité et ton leadership. Je pense qu’on est plus forts en groupe que tout seul.

Dans la vie, tout se dit, mais tout est dans la manière de le dire. Même les choses les plus désagréables se disent, mais selon l’approche que tu vas avoir, ça va mieux passer que si tu «rentres» dans la personne.

Dans les divers groupes où je suis impliquée, je ne suis pas celle dont la voix porte le plus. Mais j’écoute, et je sais me faire écouter.

Une Femme Alpha, c’est une femme qui prend sa place sans enlever celle des autres.

Te considères-tu comme une Femme Alpha?

Dans ma définition, oui!

Et si on parlait d'Anne la Maman Alpha?

Je te dirais qu’avec la Galerie, le Réseau des Femmes d’affaires du Québec, dont je suis la présidente régionale ici à Québec, et les autres réseaux dans lesquels je gravite, ce n’est pas toujours facile!

Avant d’avoir Annabelle, j’étais hyper stressée! Je me demandais comment j’allais faire! Je me demandais comment j’allais bien pouvoir «jongler» avec un bébé, une Galerie, et tout le reste! Mais une fois que tu es dedans, tu es dedans.

Tu ne te poses même plus de questions.

Mon copain est également travailleur autonome, alors on se comprend et on partage une réalité semblable. Ce n’est pas mon associé, mais quand j’ai des interrogations, il est le premier à qui je parle.

Sincèrement, je lève mon chapeau aux familles monoparentales, aux parents qui élèvent leurs enfants seuls. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir mener ce type de train de vie, et j’en suis bien consciente.

De plus, avec la Galerie, je suis à l’envers du monde. Je suis ouverte durant l’été – c’est ma plus haute saison - alors que tout le monde est en vacances. Même chose durant le temps des Fêtes et la fin de semaine.

Les gens apprécient énormément le fait que ce soit moi-même qui soit sur place. Tu sais, je suis jeune,  mais je connais mon affaire! Un représentant, un employé va connaître ça aussi, mais ce ne sera pas SON projet, SES artistes! J’ai une représentante qui travaille à la Galerie - une collaboratrice, en fait, que je consulte pour pratiquement toutes les décisions que je prends en ce qui concerne la Galerie, avec qui je partage mes idées - mais la plupart du temps, c’est moi qui suis sur place.

Par conséquent, il m’arrive de refuser de participer à des événements pour passer plus de temps avec ma fille. Je suis retournée au travail deux mois et demi après avoir eu Annabelle, alors c’est le genre de compromis que je fais naturellement.

Quand je ne travaille pas, je fais de ma fille une priorité… Ce qui n’est pas toujours facile avec les téléphones intelligents et notre obsession pour l’instantanéité! Malgré tout, je travaille sur moi et je mets le téléphone de côté. Au fond, pourquoi je prioriserais un courriel ou une notification Facebook à ma fille?

Il y a quatre ans, tu acquérais la Galerie Le Chien D'Or. Maintement, si on se projette dans quatre ans, où te vois-tu?

Je DÉTESTE ce genre de questions! Je me dis que ça ne sert à rien de faire des projections comme cela; on ne sait même pas où on sera demain! Je cultive cette philosophie depuis que j'ai perdu mon père, en 2011.

Tu sais, chaque parcours est différent. Comme je disais plus tôt, chaque situation, chaque étape t’amène ailleurs. La Galerie, c’est un projet, mais pas un projet de vie. Est-ce que je serai toujours ici dans quatre ans? Peut-être, peut-être pas. Dans quatre ans, Annabelle entrera à la maternelle, alors tout ça est très loin dans ma tête!

Un de mes rêves serait d’habiter en Europe, que j’ai visitée à de multiples reprises et habitée pendant un an et demi. Y avoir une entreprise, un nouveau projet. Peut-être dans l’art… ou pas!? Peut-être dans quatre ans?! Qui sait!

J’ai la Galerie depuis quatre, et laisse-moi te dire que ça a passé vite!

Je ne sais pas où je serai dans quatre ans, mais une chose est sûre, c’est que j’aurai toujours 1001 projets!

 

À propos de la Galerie Le Chien D’Or
Située sur la rue du Fort, à deux pas du Château Frontenac, la Galerie Le Chien D’Or est la plus ancienne galerie d’art de la Capitale.

Abritant d’abord le Café le Chien D’Or à partir de 1904, les lieux ont changé de vocation au cours des années 40 pour devenir une taverne, gardant toujours le même nom.

Puis, en 1979, le local est transformé en Galerie d’art. En 2010, la Galerie passe aux mains d’Anne Lemieux.

La Galerie fête cette année ses 35 ans d'existence.

chiendor.com

Né à Québec vers la fin des années 80, François Pouliot est toujours demeuré dans la Vieille Capitale où il est passé à deux doigts de devenir policier. Comme quoi la vie est parfois bien faite, c’est en Marketing qu’il s’est finalement retrouvé pour se découvrir une passion pour l’événementiel.

Au fil des ans, il a su agrémenter son C.V. d’expériences en événements de toutes sortes, à Québec comme à l’extérieur. 

Sorti des bancs d’école en 2012, et allergique au surplace, François garnit sa feuille de route d’implications et de projets divers, tant sur le plan professionnel que social.

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